Afin de me mettre dans l’esprit de Noël, je suis allée acheter du papier cadeau chez un papetier proche du Canal St Martin, chez qui j’ai l’habitude d’aller. Dans la queue pour payer, j’entends la cliente me précédant demander un justificatif pour « sa compta ». Son panier se composait d’un cahier, d’un calendrier de l’Avent que ses deux gamines venaient de choisir bruyamment dans la boutique, et d’un exemplaire de Gala et un Pariscope. Je me demande bien quelle activité peut expliquer cet ensemble hétéroclite…. Et le papetier de lui demander si elle préfère qu’il émette un ticket « presse » ou « papeterie ». Comme elle ne comprenait pas trop l’impact. Il lui explique donc que c’est plus « avantageux » pour elle de demander un ticket papeterie où la TVA est à 19.6%, que presse où elle n’est qu’à 2.1%.
Pour ceux qui ne comprennent pas trop la TVA. En gros, la TVA c’est une patate chaude que l’on se refourgue entre entreprises, jusqu’à ce qu’elle atterrisse entre les mains de celui qui ne peut rien en faire, c’est à dire le consommateur final (c’est à dire, vous et moi en tant que particulier). Une entreprise achète un article qui va lui servir à fabriquer un bien plus cher : elle déduit la TVA sur son achat, et la paye sur sa facture de vente. Elle ne paye donc la TVA que sur la différence entre le montant de sa vente et celui de son achat. Cette différence c’est la valeur qu’elle a fait prendre au bien, ou encore la valeur qu’elle a ajouté au bien initial. D’où le nom de la taxe…
Bref, évidemment, la cliente choisit un ticket « papeterie » puisqu’il est plus « avantageux » de déduire plus que moins… Il est intéressant de noter que le papetier a utilisé le mot « avantageux » à la place de « éluder l’impôt » (qui aurait pu effrayer la cliente…).
La cliente partie toute guillerette, je demande alors au papetier quel logiciel il utilise pour pouvoir émettre des justificatifs totalement déconnectés de sa vente. Et il me répond qu’il ne faut pas que je m’inquiète car il supprime tout de suite le justificatif qu’il vient de donner à la cliente ! Quand je lui demande alors s’il a conscience qu’il fraude, son premier argument laisse perplexe : « j’en abuse pas ». Il est évident que l’auto évaluation est toujours objective, c’est bien connu… Puis il ajoute (2ème argument massu) « et puis, tout le monde le fait ! ». Je lui ai répondu que non, tout le monde ne le faisait pas, et que son logiciel ne passerait pas un contrôle fiscal. C’est dommage, cette papeterie n’était pas très loin de chez moi….
Donc dans cette histoire, la fraude est globale :
– d’abord, la cliente qui demande un justificatif pour des frais qui, manifestement pas, ne rentrent pas du tout dans l’objet social de son entreprise
– puis le papetier qui lui suggère et organise une fraude (qui ne lui profite même pas)
Cette expérience qui aurait du me mettre dans l’esprit de Noël m’a finalement écœuré, et ce d’autant plus, qu’en début de semaine, le syndicat des commerçants pleurait que les affaires allaient mal (moins de black, c’est sûr, ça fait mal…). La fraude est à tous les niveaux ancrée dans le cerveau des commerçants et entrepreneurs. Comment la France va t-elle redresser ses comptes si dès le plus bas niveau la fraude est un état d’esprit….