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Suite à l’annonce par le gouvernement de la loi Pacte, et particulièrement de la remontée des seuils d’obligation de nomination des commissaires aux comptes au niveau européen (voir l’article de ce blog), la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes a compris l’émotion suscitée par cette annonce chez les confrères. Afin de leur redonner espoir, la Compagnie a organisé une journée de formation sobrement intitulée « la stratégie des cabinets » en juillet 2018. Le programme était assez vague mais le titre laissait présumer une vraie belle analyse de la situation et des réponses concrètes sur les actions à mettre en œuvre afin d’anticiper la disruption à venir (à savoir, la disparition quasi complète du marché du jour au lendemain).

La déception a été à la hauteur de l’espoir suscité par cette formation, immense.

Matinée de la formation :

1/ deni sur la loi Pacte à venir, guéguerre avec les différentes instances de contrôle, et annonce d’une contre proposition au gouvernement pour, au contraire, renforcer l’audit légal obligatoire… A suivre.

Déception.

2/ demande aux participants de participer à un sondage pour savoir si : l’impact serait fort sur une activité prédominante (cata absolue), faible sur une activité prédominante (cata relative), fort sur une activité non prédominante (cata un peu moins relative), faible sur une activité non prédominante (pani problem).

3/ participation au sondage et pas d’annonces des résultats. Déception.

Pause déjeuner

Après midi de la formation :

4/ Annonce des stratégies proposées par la compagnie :

  • renforcement de l’activité par une action commerciale forte (si on trouvait des mandats de grosses boites facilement, cela se saurait…. surtout dans le cadre d’un resserrement du marché….)
  • abandon de l’activité et développement d’autres compétences, dont le conseil
  • repositionnement sur les sociétés pour lesquelles les mandats sont perdus sur l’activité ……… d’expertise comptable

Grosse déception. Attendre 5 heures pour entendre ça…

5/ table ronde avec des confrères présentant les 4 cas du point 2.

6/ questions réponses avec la salle.

A la question, « comment faire lorsqu’il y a déjà un expert comptable chez un de nos clients perdus ? ». Réponse de la Compagnie « c’est délicat ».

D’écœurement, j’ai quitté la salle. Sans avoir eu la réponse à ce fameux sondage….

Donc en gros, c’est la guerre à venir entre confrères. 90% des confrères ont la double activité Expert Comptable / Commissaire aux Comptes. La plupart du temps, c’est l’expert comptable qui recommande le Commissaire aux Comptes au client. J’espère que les confrères seront à la hauteur, et ne se laisseront pas aller à une bassesse pareille (« déshabiller Pierre pour habiller Jacques »).

A aucun moment durant la formation, il n’a été question « de stratégie océan bleu« , de stratégie nouvelle, de créativité. Le commissaire aux comptes est un professionnel de la finance compétent, déjà en place chez des clients avec qui il a un lien de confiance.  Avec un peu d’imagination, on peut proposer autre chose que de shooter l’expert comptable en place…

Bref, il est temps de prendre des vacances, de faire une pause, et de lire de bons livres de stratégies !

Comme tous les ans, nous fermons pour ré ouvrir début septembre en pleine forme. Bonnes vacances à tous.

 

 

 

Après des années à l’évoquer, le Gouvernement a décidé de relever les seuils d’obligation de nomination des Commissaires aux Comptes (CAC) afin de les aligner sur les seuils Européens.

Pour mémoire, en France, un Commissaire aux Comptes est obligatoire si une société dépasse 2 des seuils suivants :

  • SARL : 1.550 K€ de bilan, 3.100 K€ de chiffre d’affaires et 50 salariés
  • SA : obligatoire dès la création sans condition de seuils
  • SAS : 1.000 K€ de bilan, 2.000 K€ de chiffre d’affaires et 20 salariés. Et obligatoire sans conditions de seuils si la SAS contrôle et est contrôlée par une société quelque soit sa forme juridique

Le gouvernement, pour alléger les obligations des PME, propose de remonter ces seuils à 4.000 K€ de bilan, 8.000 K€ de chiffre d’affaires et 50 salariés. L’annonce sera faite a priori le 2 mai 2018 dans le cadre de la loi PACTE. En gros, l’économie sera de 5.000 € HT par entreprise, et devrait concerner 150 à 190.000 entreprises. Economie pour les entreprises sans contrepartie d’impôt : entre 750 et 950 millions d’euros.

Sans rentrer dans le débat de l’intérêt d’avoir des seuils aussi bas (surtout dans les SAS holdings), on ne saura que plus tard si c’est la peur du gendarme ou la qualité des experts comptables qui permettait d’avoir des comptabilités présentables.

Ce qui est intéressant dans cette histoire est que :

  • Les commissaires aux comptes sentaient venir le coup depuis plus de dix ans (on m’en avait déjà parlé pendant mon stage d’expertise comptable en 2007)
  • Les deux syndicats de la profession ne s’entendant pas, aucune proposition commune n’avait été préparée (l’un des syndicats proposait une norme allégée pour les PME, pendant que l’autre répliquait « an audit is an audit »)
  • De même, un des deux syndicats n’avait pas présenté de candidats à la dernière élection de la Compagnie pour ne pas avoir à gérer l’annonce négative auprès des confrères (et de devenir « responsable » de l’échec)
  • Ce n’est qu’après l’annonce faite par Bruno Lemaire à Colmar le 22 février 2018 que la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes a commencé à préparé un argumentaire et une « campagne médiatique » (cette campagne est restée tellement confidentielle qu’aucun de nos clients n’est au courant)

Autant dire que l’affaire était pliée d’avance… La seule question qui reste en suspens est : les mandats de CAC vont ils s’arrêter dès la promulgation de la loi, ou vont ils aller au terme du mandat (pour rappel, six exercices) ? Tout le monde devine un peu la réponse à l’avance…

De notre côté, nous avons quelques mandats (essentiellement en Province) mais cette activité n’avait pas été particulièrement développée compte tenu de la forte probabilité que la remontée des seuils soit effective. D’autres confrères n’ont pas géré comme nous et vont avoir du mal à s’en remettre.

L’autre serpent de mer est la suppression de la profession réglementée d’expert comptable. La question est : combien de temps le gouvernement va nous laisser pour nous remettre de la suppression des CAC avant de récidiver ?